Loi “Habitat dégradé” du 9 avril 2024, “volet Copropriété”



L’ACAD, s’est penchée sur la loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.

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Les sujets portés par cette loi sont majeurs au vu des enjeux qui se posent aujourd’hui pour l’habitat privé, et tout particulièrement en ce qui concerne les copropriétés : en dépit des efforts collectivement produits, les besoins liés à la prévention de leur fragilisation tout comme ceux liés au traitement de leur dégradation demeurent immenses.

Nous constatons  avec satisfaction qu’elle s’est nourrie de certaines des propositions formulées à l’occasion de la Table ronde que nous avions organisée le 30 novembre dernier au Pavillon de l’Arsenal à Paris, et resterons attentifs à la parution des différents textes permettant son application.

En effet, si la loi met en évidence des problématiques sur lesquelles nous butons encore assez largement, le texte pose autant de questions qu’il n’apporte de réponses pour l’instant.

Trois illustrations à cela, pour prendre des sujets rencontrant une forte résonance dans l’actualité.

Elle renverse la perspective applicable aujourd’hui : par défaut, l’ensemble des copropriétaires sont tenus par le prêt au moment de son vote en Assemblée générale, et ceux qui ne souhaitent pas en bénéficier devront se signaler au syndic. Si dans les mois qui suivent sa quote-part n’est pas réglée, le copropriétaire est réintégré d’office dans l’assiette du prêt. Comment anticiper les difficultés de gestion engendrées pour le syndic, qui verra évoluer au fil du temps la composition d’un emprunt à géométrie variable, au gré d’allers-retours consécutifs à la défaillance de certains copropriétaires ?

La loi prévoit que l’établissement prêteur pourra “apprécier la capacité du syndicat à remplir ses obligations”. Cette disposition induit-elle que la banque disposera de recours pour refuser le bénéfice du crédit – présenté comme véritablement collectif – à une copropriété et/ou un copropriétaire ? A moins d’imaginer un coût variable suivant le “risque” à prêter à tel syndicat ou tel copropriétaire ? L’appréhension du risque constitue d’ailleurs le principal frein à l’octroi de crédit dans ces ensembles immobiliers fragiles. Dans ces conditions, la caution apparaît comme un enjeu essentiel : des entités privées souhaiteront-elles se positionner, ou les pouvoirs publics vont-ils devoir financer eux-mêmes cette garantie ?

Silence de la loi à ce stade concernant la durée du prêt, son coût et l’obligation qui aurait pu être faite aux établissements prêteurs de s’emparer de ce cadre afin d’en proposer une traduction commerciale.

On comprend de la formulation actuelle du texte que la figure des syndics dit “d’intérêt collectif” ne pourrait s’appliquer que dans des copropriétés concernées par la procédure d’alerte ou sous administration provisoire. D’une part, il apparaît que le caractère obligatoire du recours à un syndic d’intérêt collectif n’est pas clairement établi à ce jour. D’autre part, l’alerte ne conduisant pas à l’éviction du syndic en place, faut-il en déduire que la copropriété sollicitant l’intervention d’un mandataire ad hoc devra également faire le nécessaire pour changer de syndic ? Ou que le mandataire ad hoc deviendra une sorte de “syndic bis” (avec un risque de gestion bicéphale de la copropriété) ?

Concernant la délivrance de l’agrément correspondant, un décret doit préciser le processus et les critères fondant la compétence attendue du syndic d’intérêt collectif. On peut toutefois s’interroger sur la capacité du / de la représentant(e) de l’État dans le département pour prendre une décision de ce type. Se pose également la question des modalités et des moyens de contrôle.

Des professionnels – certains organismes HLM et les SEM de construction et de gestion de logements sociaux – pourront “à leur demande expresse, se voir reconnaître de droit la qualité de syndic d’intérêt collectif, sans se soumettre à la procédure d’agrément”. Les conditions de gestion des copropriétés mixtes peuvent conduire à s’interroger sur le fait de savoir si cette mesure est à coup sûr un gage de bonne gestion, les bailleurs sociaux n’étant pas toujours correctement structurés à cet effet. Ne vaudrait-il pas mieux se donner les moyens de renforcer la profession de syndic, afin qu’elle puisse prendre en charge plus efficacement ces immeubles ?

La commune peut définir des secteurs dans lesquels tout bâtiment d’habitation collectif doit faire l’objet (…) d’un diagnostic structurel du bâtiment, incluant une description des désordres observés qui portent atteinte à sa solidité et évaluant les risques qu’ils présentent pour la sécurité des occupants et celle des tiers”. On ne peut que saluer cette avancée majeure, en songeant notamment aux récents effondrements de balcons et d’immeubles dans plusieurs de nos centres-villes.

Toutefois, la loi indique que le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) sera réputé satisfaire à cette obligation, probablement en s’appuyant sur le diagnostic technique global (DTG) qui, rappelons-le, n’est pas systématiquement réalisé. Est-il prévu une nouvelle exigence qui sera intégrée à ces études préalables, afin que celles-ci soient réellement en capacité d’apporter des garanties en matière de prévention des affaissements / effondrements d’immeubles ? En effet, en l’état actuel des choses, le volet structurel du travail réalisé par les diagnostiqueurs ne repose que sur une obligation de déclaration de désordre supposé.

De notre point de vue, la loi du 9 avril marque donc une étape essentielle, mais appelle des décisions et des actions complémentaires.